L’historien des transports urbains Éric Morris de l’Université de Californie, a récemment détruit le mythe romantique du transport à cheval en relatant l’histoire d’une conférence internationale, tenue à New York en 1898 et consacrée au… crottin de cheval en ville ! Elle fut interrompue prématurément après trois jours pour manque de solutions.
La ville devait en effet gérer annuellement l’évacuation de plus de 15 000 carcasses de chevaux de trait et de 150 000 tonnes d’excréments. En 1900, il fut même prédit que, d’ici 1930, le crottin attendrait le seuil du troisième étage des immeubles et on attribua 20 000 décès à des fièvres typhoïdes dues à cette pollution équine.
Les problèmes disparurent quand l’invention de l’automobile changea la donne.
Clay Mc Shane, auteur de « Down the asphalt path« , explique son développement non pas par sa performance technologique mais par son succès à transformer le regard des citadins sur leurs rues familières : d’espaces ouverts, elles devinrent voies de circulation. L’automobile changea leur monde.
Ainsi se décrypte le processus d’innovation : si la résistance aux changements doublée de considérations économiques peut aller jusqu’à étouffer une invention, la nécessité impérieuse de sortir d’une impasse de cadre de vie pousse une société à stimuler le développement et adopter de nouveaux produits ou services.
L’innovation ne serait finalement pas une affaire d’offre mais de demande exprimée par le corps social. Elle naît sous les contraintes de crise sociétale.
Dans le domaine de la robotique, il faut donc observer les marchés qui font face à des problématiques de volumes de traitement ou de dimensionnement de capacité. Le trafic urbain doit trouver des solutions pour se fluidifier et redevenir supportable : il est l’heure du transport autonome. La saturation des hôpitaux met à risque la qualité des soins pour tous : le diagnostic et la chirurgie robotisée vont émerger. La transparence alimentaire conduit à toujours plus de traçabilité : les robots écologistes envahiront les champs…
Si un secteur ne sait pas justifier une nécessaire innovation, il restera un marché robotique accessoire. Ce sera toute la différence entre les robots de concours Lépine et ceux qui gagneront un prix Nobel.
Bruno Bonnell.