Une uchronie est un récit qui se passe dans un monde en tout point similaire au nôtre, dont un événement divergent a transformé l’histoire. Les romans du courant « steampunk », par exemple, se déroulent dans un XIXe siècle mutant, dominé par la première révolution industrielle. Son imaginaire ressemble à l’univers victorien si bien dessiné par Albert Robida en 1883 dans son chef-d’œuvre « Le Vingtième Siècle » : il est rempli de machines volantes et d’engins à vapeur, mais tous ses codes sociaux et habitudes restent les mêmes. Les femmes y sont toujours en crinoline et les hommes portent chapeau…
La plupart des spéculations sur l’impact de la robotique sur notre quotidien pourraient tenir de l’uchronie. Elles décrivent le monde à venir comme un XXe siècle sur lequel se seraient plaquées des technologies robotiques : robots humanoïdes tant pour travailler que pour aider les personnes âgées, véhicules personnels autonomes, usines sans intervention humaine. Tout cela dans un environnement inchangé.
Ces projections sont à l’origine des angoisses et des peurs sur l’avènement des robots, perçus comme risquant de peupler notre vie non pas pour le meilleur, mais bel et bien pour le pire : notre remplacement.
En s’inspirant pourtant de ce qui s’est passé depuis l’apparition de la machine, puis de l’électricité, on peut prédire avec la banalisation des robots une transformation profonde de notre monde, et non sa simple optimisation. Tout comme les méthodes de production ont évolué avec la mécanisation, tout comme l’urbanisme a restructuré les villes pour l’automobile, il faut anticiper des révolutions d’usages dans notre quotidien personnel et professionnel avec l’émergence de la robotique. A quoi bon posséder une voiture si une « robomobile » est à votre disposition, pourquoi ne pas adopter un robot collègue pour optimiser son travail, ou faire confiance à sa maison intelligente ?
Voilà le type de questions que se poseront les générations futures. On les appellera peut-être, à l’instar des « digital natives », les « robots natives », qui verront les robots comme des amplificateurs de leurs capacités et non plus comme des menaces.
Bruno Bonnell.